Extrait 1/3

Le ton est aussi salace que l’homme qui vient de s’adresser à eux. La lueur sournoise dans l’œillade qu’il adresse à Noa conforte Jésus dans l’idée qu’ils ont affaire à un prédateur. La stature ni trop grande ni trop musclée et le visage tanné représentent les ennuis qui s’annoncent. Il interpelle à nouveau les jeunes, des relents d’alcool dans la voix :

— Pour sûr vous êtes pas du coin sinon vous seriez pas amusé à dévaler les chutes sauf que je vous ai jamais vus et si c’était le cas je m’en souviendrais.

— Ouais et bien on vous laisse, on doit rentrer.

Bien décidés à prendre la tangente, Jésus et Noa tournent aussitôt les talons. Sauf que l’empêcheur de tourner en rond dans un geste vif attrape Noa par le bras. Dans la seconde qui suit Jésus en fait de même avec le trublion essayant de maintenir une certaine pression. Tous les trois se retrouvent entrecroisés comme pris au piège dans une toile d’araignée.

— Hé mec, lâche-moi, ça vaut pas le coup de se chercher des noises, je parie qu’elle fait partie de la bande de putes comme les autres. Eh ben qu’est-ce que tu crois ? Que tu vas te la garder pour toi tout seul ?

À ces mots, le sang de Jésus ne fait qu’un tour. L’espace d’une minute, il se revoit sur le parking en train de ravaler sa rancœur envers la brute qui a cogné sa compagne dans les toilettes décrépites. Le jeune homme passe alors son autre main sous son tee-shirt et déclipse l’attache du couteau de chasse prêté plus tôt par Jacob lors de leurs sorties dans les bois. D’un geste rapide et assuré, il fait glisser la lame sur la gorge du dingue. Celui-ci stupéfait, serre son cou tandis que sa bouche émet quelques gargouillis. Puis du sang se met à jaillir par saccades de l’entaille, éclaboussant Noa et Jésus. Finalement son corps s’affaisse et tombe à leurs pieds telle une marionnette privée de ses fils.

 

 

 

Extrait 2/3

Jésus reste assis là un instant, l’air paisible, alors qu’à l’intérieur il souffre le martyre. Plus il regarde Esther et plus le mal le domine. Sa beauté le rend fou.

Qu’est-ce que tu attends, vas-y, tu en meurs d’envie.

Les pupilles injectées de sang, Jésus commence par caresser la joue de la jeune femme avec son pouce. Aucune réaction. Enhardi, il fait descendre sa main jusqu’à son décolleté et passe sous son soutien-gorge. Il titille un mamelon puis deux. Toujours rien. Sans la quitter des yeux, il glisse ses doigts qui se font experts sous sa jupe et enfin sous l’élastique de sa petite culotte. Il excite son clitoris et fait entrer son majeur en elle. Il le retire quelques secondes plus tard, l’observe, le hume : il est luisant et mouillé. Jésus gémit, il est ivre de désir. Il abaisse alors son jean et sort son sexe.

— Qu’est-ce que tu as l’intention de faire mon garçon ? Ôte-toi ça de la tête tout de suite !

À la remarque de sa mère, Cesary éclate de rire.

— Mais ce n’est pas dans ma tête m’man, tu vois bien.

Dès lors, il retourne doucement la belle endormie et se place entre ses jambes. Il s’introduit dans son con et savoure ce moment intense, il faut juste qu’il fasse attention à ne pas jouir trop vite. Il essaie donc de prendre son temps. Ipso facto le plaisir est insoutenable et Jésus ne peut que répandre sa semence. À dire vrai, il n’est pas fatigué et bande toujours. Il fixe le cul rond, parfait. Ses collines soyeuses sont une invitation à la débauche. Il y plonge un doigt inquisiteur et comprend qu’elle est vierge de ce côté, c’est serré. Tant pis. Il frotte sa queue encore blanchâtre de sperme sur le vagin humide d’Esther et force le passage.

Émergeant des brumes psychotropes, elle pousse un cri de douleur, tourne son visage ravagé par les larmes vers Jésus et tente de se soustraire à ses assauts de plus en plus violents. D’une voix à peine audible, Esther essaie de le stopper :

— Jésus, je t’en supplie arrête, tu me fais mal, je ne veux pas.

En guise de réponse, celui-ci lui sourit vaguement. Lorsqu’une nouvelle vision couvre sa rétine. Hélène, assise en tailleur, sur la table du salon juste à côté du sofa, se met à signer de ses doigts fins et délicats.

— Eh alors de quoi je me mêle ! T’as rien à faire là, dégage maintenant !

Toutefois, elle ne cède pas à ses menaces et demeure à sa place à les regarder. À coups de reins rageurs, Jésus tente de continuer son coït or la présence d’Hélène exacerbe sa colère. Avec sauvagerie, il veut jouir mais il débande lamentablement. Il jette alors un regard torve vers la table basse et constate qu’Hélène s’est évanouie, une fois de plus. C’est alors qu’il se rend compte que ses doigts blanchis aux jointures par l’effort, enserrent le cou d’Esther. Il reste à l’écoute des réactions de la jeune femme. Rien, seul le silence. Elle a cessé de vivre. Il l’observe quelques minutes et pense à voix haute :

— J’espère que tu es contente de toi, hein ? Tu as tout gâché, je sais que tu m’entends !

Même dans la mort, Esther est encore belle, Jésus murmure son nom. Puis dans un sursaut de lucidité, il ramasse ses affaires, passe par la salle de bains, attrape plusieurs sachets de morphine qu’il bourre dans son sac et quitte le loft, abruti de fatigue.

 

 

 

Extrait 3/3

Jésus a l’impression qu’il glisse. Ou plus exactement que son état de conscience s’annihile. Pris d’un vertige, ses mains s’agrippent à la table de la salle à manger. Il sent les sons, l’agitation se modifier dans la pièce. Il ne se rappelle pas avoir fermé les yeux pourtant lorsqu’il les rouvre, il est étonné par la soudaine obscurité des lieux. Seule une faible lumière semblant s’écouler des murs se réfléchit sur les meubles. Il distingue néanmoins, dressé au centre de la table, une grande soupière blanche. Puis il s’aperçoit que siègent autour sept personnes. Ses iris s’habituant peu à peu à la pénombre, il y découvre le culturiste ainsi que le gringalet, voisins d’Hélène, leurs cerveaux béants, le vagabond Ludovic Arend avec la tête inclinée semblant vouloir se détacher du tronc à tout moment, Edna Miller, le corps tuméfié, Thomas Le Gall, bleuâtre et boursouflé et Esther Duval, anxieuse et désorientée. D’un sourire qu’elle tente des plus gracieux, Edna la camionneuse invite Jésus à s’asseoir.

— Nous sommes si heureux de te revoir, gargouille-t-elle en essayant de retenir sa mâchoire de se disloquer pour de bon.

— Une coupette de mon meilleur cru pour nos retrouvailles, clame Thomas dont le ventre ressemble désormais à une barrique.

Il ouvre une bouche démesurée d’où se met à jaillir de l’eau croupie qui se déverse sur la nappe.

— Il préfère peut-être manger quelque chose, s’interpose Esther persistante à rester droite et digne alors qu’elle se démène avec sa petite culotte qui n’arrête pas de descendre jusqu’à ses chevilles.

Hélène, elle, se met à agiter ses mains pour signer énergiquement tout en s’efforçant de bloquer la couronne de chair qui renferme sa cervelle afin qu’elle ne se désolidarise pas de son crâne. Ses voisins de table, leurs globes oculaires blanchâtres, tournés vers le plafond, l’aident à soulever le couvercle de l’imposante soupière. Elle sert d’une main tremblante une assiette à Jésus. Celui-ci ne peut retenir ses cris lorsqu’il comprend que les mets qui sont lourdement retombés sur la nappe, ne sont autres que des viscères humaines grouillantes de larves.

— Jésus, arrête, Jésus ! C’est fini.

Le jeune homme qui paraît sortir d’un cauchemar éveillé, se rend compte qu’il se trouve toujours dans la salle à manger et qu’Élisabeth Langlois le tient par le bras. Jésus retourne alors des yeux hagards et cerclés de noir sur Ange.

— Tu n’avais pas l’intention de me le dire, hein maman ? Sauf que je ne suis pas idiote, je sais très bien que tu as une liaison avec Jésus qui n’a pas l’air d’aller très bien d’ailleurs.

— Pardon ?

— Je viens de te le dire, t’es sourde ou quoi ?

La mère de famille explose d’un rire sardonique.

— Ton renversement de situation est bien tenté ma chérie mais je fais ce que je veux et je n’ai certainement pas de comptes à te rendre contrairement à toi, car tu vis toujours sous mon toit et tu en as enfreint les règles ! Tu as tout gâché avec ce futur bébé !

La situation s’envenime entre les femmes Langlois tandis que Jésus, les poings serrés, se débat, mutique, avec ses propres démons. Soudain, la jeune fille perdue, dans un geste désespéré, lève la main sur sa mère quand tout à coup, elle voit un sang vermeil gicler de sa poitrine et inonder jusqu’à son bas-ventre.

Rouge puis Noir.

Le corps sans vie Ange vient de s’effondrer à terre.

 

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