Extrait 1/3

Cet entretien avec le doc laisse Isabelle interrogative. La réalité est brutale et l’affaire ne donne pas dans la banalité. Sa première idée l’oriente vers un crime exécuté par un pervers démoniaque et sa seule option sera de retracer et d’éplucher en détail la vie de la victime. Elle se retourne vers ce corps qui vient d’être recouvert d’un drap, passe sous la rubalise et se dirige vers Axelle et ses jumeaux :

— C’est vous qui nous avez prévenus ?

— Votre gendarme, là-bas, a pris mon témoignage. Nous n’avons vu que cette personne qui flottait.

— OK, si nous avons besoin nous vous contacterons. Ne restez pas ici ce n’est pas un spectacle pour vos garçons qui ont dû être traumatisés.

— Simplement déçus de ne pouvoir pêcher.

Isabelle repart et secoue la tête en marmonnant :

— Ces gosses, même pas choqués, juste déçus, c’est dingue !

Son cerveau est déjà reparti en vadrouille, elle imagine ce que cette affaire va engendrer, un grand brassage de témoignages, d’enquêtes de voisinage, remonter jusqu’au mariage, quoique le gus ne porte pas d’alliance, peut-être étendre les recherches à sa jeunesse, ses fréquentations.

— Alors lieutenante ?

Francis Bader, son adjoint, vient de la faire sursauter.

— Tu m’as fait peur ! J’étais en train de passer en revue les divers aspects de notre future enquête.

— De quoi est-il décédé ?

— Gênant à dire, les détails me mettent dans l’embarras.

— Vas-y, j’en ai vu d’autres !

— Des comme ça, même pas envisageable ! Accroche-toi, en gros il s’est fait défoncer le fion !

— Et il est mort de ça ? Homosexualité ?

— Non il en a fallu davantage aux dires du légiste. Apparemment ce serait la cause.

— J’ai du mal à imaginer. Pas fréquent et tordu comme meurtre, mais pourquoi pas ? Aujourd’hui tout devient possible, drôle de monde !

— Tu as une réaction identique, le monde est zarbi comme dit mon fils

Bader reste sceptique face à une pratique meurtrière. Des années de gendarmerie où il avait participé à résoudre des affaires criminelles, mais celle-là, on ne le lui avait jamais fait.

— T’es sûre de ce que le toubib t’a dit ?

— Malheureusement oui ! J’ai vu le cul du mec et cerise sur le… involontairement j’allais dire une connerie. Tu sais ce que je redoute ? Que nous ayons affaire à un psychopathe. Je me méfie de ces tueurs sexuels, tout réside dans leur perversité.

— On a du boulot, si je comprends bien !

 

 

 

Extrait 2/3

La cloche de l’église vient de marquer 9h, la nuit s’étire sur le village de Roquebrun. À l’abri d’un mur une silhouette attend le moment propice. Les ruelles désormais désertes, lui permettent de glisser et de se fondre le long des façades de pierre des maisons. Vêtue d’une longue cape noire, la tête recouverte d’une cagoule, complétée d’un loup noir, chaussée de bottes en caoutchouc, la silhouette furtive se fraye un chemin jusqu’à la demeure de sa future victime, une femme, la cinquantaine.

Devant la petite maison basse, elle observe par la fenêtre, guette chaque mouvement. Avant d’agir, elle scrute les extérieurs, consciente qu’elle ne peut se permettre la moindre erreur.

Parvenue à la porte d’entrée, elle parvient avec aisance à faire céder la serrure, ouvrant ainsi doucement la porte. L’ombre se glisse avec précautions à l’intérieur du logement avant de refermer délicatement derrière elle.

Elle attend, aux aguets. Quelqu’un se trouve vraisemblablement dans la cuisine, d’où viennent des bruits de vaisselle. Enfin, après s’être assurée qu’elle ne se trompait pas de personne et que cette dernière était bien seule, elle se jette sur sa cible. La suite n’est qu’un ensemble d’enchaînements minutés et précis. L’occupante maîtrisée ne peut résister à la poigne qui vient de lui poser un chiffon largement chloroformé sur le visage.

 

²

 

Lorsque Josette Grodureau reprend connaissance, elle frissonne de peur, mais pas seulement. Un souffle froid lui parcourt l’échine. Son incompréhension fait rapidement place à une réalité plus avilissante et elle prend conscience qu’elle est totalement nue. Elle tente de se libérer, mais sans succès. Ses bras et ses jambes sont quasiment écartelés. Son ventre douloureux et blanc est fortement appuyé contre une sorte de table. Sur cet autel, elle se sent exposée en spectacle. Son intimité est largement offerte et la panique s’empare d’elle. Elle imagine déjà son sort, un viol sans concession !

— Par pitié, qui que vous soyez laissez-moi partir. Que me voulez-vous ? Me violer ? C’est ça ?

Elle ne reçoit aucune réponse à ses interrogations. Seul un froissement de tissu lui indique qu’elle n’est pas seule.

— S’il vous plaît ! Je sais que vous êtes là, répondez-moi ! Qui êtes-vous ? Vous me faites peur, j’ai mal et j’ai froid !

Sa gorge se serre et Josette imagine déjà que la suite ne va ressembler en rien à une partie de plaisir. Enlevée, nue, écartelée, ligotée, toutes ces conditions réunies lui laissent envisager un sombre avenir.

Une voix indéfinissable semblant venir des profondeurs de la Terre intervient pour mettre fin à ses énervantes jérémiades.

— La luxure n’est pas un luxe lorsqu’elle conduit à la dépravation. Vous avez dépassé les limites de l’intolérable, le moment est venu de payer.

— Je dois payer, mais quoi ? Et en quoi suis-je coupable ? Vous êtes un malade, un pervers qui ne pense qu’à sacrifier les femmes dans le vice, baisez-moi si ça vous fait plaisir, pauvre débile !

La peur a fait place à une rage qui lui sort des entrailles, jugée, condamnée, exécutée. Pourquoi cette injustice inadmissible ?

— Je n’ai rien à ajouter à votre diatribe, le débat est clos ! Chacun de nous doit s’acquitter un jour de ses fautes, de ses erreurs. Pour vous le moment est venu !

— Vous êtes un déficient mental ! Soyez raisonnable je n’ai plus vingt ans, qu’est-ce que vous me voulez ?

— Vous faire régler l’addition ! Œil pour œil, dent pour dent ! Et puis vous devenez fatigante, au revoir chère madame, ou plutôt adieu !

Josette sent la personne s’affairer derrière elle. Sa peur devient démesurée, la panique l’envahit. Elle comprend que sa fin est proche mais ignore ce que ce taré manigance.

 

 

Extrait 3/3

Isabelle sort progressivement de cette torpeur qui l’a envahie, son corps est encore engourdi. Elle tente de se remémorer les faits. Son bon sens est perturbé par les vapeurs du chloroforme qui sont encore trop présentes. Elle se souvient avec désagrément de ce bras qui l’a enserré et qui a maintenu le chiffon sur son visage. Elle se remémore cette courte résistance qu’elle avait opposée, de ce noir qui s’était lentement imposé à elle et l’avait fait basculer dans le néant.

Elle ressent des vibrations, des secousses, tente d’identifier le lieu où elle se trouve et croit discerner que l’on transporte son corps dans le coffre d’un véhicule. Elle a peur de comprendre que sa vie et son destin sont en train de basculer vers le non-être.

Tant de choses se bousculent dans son cerveau, rien n’est plus rationnel. Toutes ses réflexions prennent des proportions démesurées, déraisonnables. Elle pense à son fils, que va-t-il devenir sans sa mère ? Son mari, comment va-t-il vivre sa disparition ? Et cette grande interrogation qui lui serre la gorge, quel sort ce salaud va lui réserver, certainement rien d’enviable.

La voiture semble s’être maintenant arrêtée. Son agresseur ouvre doucement la portière, descend et la referme délicatement, comme s’il ne voulait pas se faire remarquer. Ce brusque silence autour d’elle l’angoisse. Elle espère que ce type ne va pas mettre le feu au véhicule. Au travers de ce qui lui sert de cagoule elle hume l’air, ne perçoit aucune odeur d’essence, premier point positif, il ne va pas la cramer.

Elle tente d’imaginer ce que ce malade manigance. Elle veut bouger, tenter d’alerter, mais ligotée et bâillonnée telle qu’elle l’est, rend toute tentative impossible.

Elle reste attentive à l’environnement. Ce moment de calme s’éternise, bien qu’elle ne soit pas pressée de mourir. Ce qui lui semble certain, c’est qu’Il mijote un sale coup et elle n’ose imaginer sa fin, gorge tranchée, violée outrageusement ? Et dire qu’en ce moment elle devait être en chemin vers une agréable soirée à Roquebrun.

Des pas accompagnés d’un cliquetis métallique se dirigent vers le coffre. Le capot se soulève une poigne énergique vient de se saisir d’Isabelle. Elle tremble de peur, des larmes coulent sur ses joues. Elle veut implorer, crier son désespoir et vociférer sa rage mais le bâillon très serré l’en empêche.

Elle subit et se rend compte qu’elle va vers une fatalité, un destin non enviable.

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