Extrait 1
Cette si belle journée aurait dû se dérouler paisiblement comme les autres. Mais ce n’était ni le cas, ni le jour. Nicole se raidit face à l’atrocité du corps ligoté au tronc de l’arbre face à elle, les mains liées derrière le dos, la tête ensanglantée penchée sur le côté, figé sur la bouche un rictus de douleur. L’effarante vision cauchemardesque la cloua sur place. Des mouches tourbillonnaient autour autant que sur une charogne. Les yeux du mort avaient saigné, un liquide visqueux en sortait. À quelques mètres du macchabée une odeur fétide stoppa net sa progression. Un frisson d’effroi lui parcourut le corps et ce qui n’était jusque-là qu’une envie contenue se libéra, la jeune femme se mit à avoir des haut-le-cœur et vomit son petit-déjeuner. Des images terrifiantes affluaient, s’entremêlant les unes aux autres, la cartésienne ne l’était plus vraiment.
Le souffle coupé ne parvenant à approcher, elle n’avait qu’une chose à faire et au plus vite appeler les secours. Enfin un réflexe normal, dans un contexte anormal. Toutefois ses yeux ne pouvaient se détacher du macabre tableau qui l’obnubilait.
Elle glissa lentement sa main tremblante dans la poche de son survêtement à la recherche de son portable qui la ramènerait peut-être vers une réalité plus saine. Ses doigts auraient dû sentir la coque de son appareil mais son sang se glaça, réalisant subitement qu’elle l’avait laissé en charge sur son bureau, oubli impardonnable. Le stress monta d’un cran, il ne lui restait plus qu’une issue, fuir
Totalement terrorisée, elle grelottait alors qu’il faisait si doux en cette fin juin et n’osait tenter le moindre geste, lorsqu’un craquement se produisit. Elle aurait voulu hurler, mais aucun son ne jaillit de sa gorge contractée. Ses genoux s’affaissèrent sous son corps tétanisé. Face à l’horreur elle devenait impuissante.
Extrait 2
Un peu plus tard, Herbert entra dans le bureau du lieutenant en compagnie du gendarme Bouscan, qu’il avait chargé de filer l’oncle de Basconna.
— Quoi de neuf, adjudant-chef ?
— Le gendarme Bouscan a suivi le fameux oncle handicapé. Avec sa voiture aménagée pour son invalidité il s’est rendu à Toulouse, dans le quartier nord, impasse des États-Unis, secteur renommé pour les prostituées.
— C’est un homme comme un autre, je ne vois pas où est le problème !
— Attendez Lieutenant, je n’en ai pas fini avec le bonhomme. Il est descendu de son véhicule sans fauteuil, ni cannes. Il marchait comme vous et moi.
Après avoir fait ce qu’il était venu chercher, il est ressorti, il est monté toujours aussi normalement dans sa berline, puis il est revenu tranquillement à son à son domicile. Cependant, arrivé chez lui, il a recommencé sa comédie, il est descendu, aidé de ses cannes et du fauteuil.
— Faites une enquête auprès de son médecin, de l’hôpital, et tout le toutim, enfin vous voyez bien ! Approfondissez cette situation qui le désigne comme suspect. Ne pas oublier qu’il a travaillé dans la banlieue de New York. L’Amérique est un pays où l’on peut se procurer des substances mortelles, du genre de celles qui ont eu raison de Monsieur Noguès. Sans oublier qu’il était assistant dans un cabinet vétérinaire. Allez, on ne le lâche plus. Au moindre soupçon avéré, je préviens le procureur.
Extrait 3
Nicole grelottait de froid et de peur, c’était foutu. Elle cogitait depuis qu’elle avait lentement repris ses esprits. Elle essayait d’imaginer comment serait sa fin. Elle avait tellement peur de mourir ! Un bruit la tira de ses réflexions. Des claquements de pas résonnèrent accompagnant une lueur blafarde qui s’approcha.
Elle découvrit l’antre dans lequel elle vivrait ses derniers instants. Les parois d’une galerie étaient maintenant visibles, un tunnel creusé dans la roche. Serait-ce à la fois sa prison et son tombeau. À une dizaine de mètres d’elle, une autre forme enchaînée gisait au sol. À présent elle la distinguait plus nettement, c’était une femme. Elle ne bougeait plus, semblait morte. Les pas se rapprochaient, son heure venait-elle de sonner ?
La lumière balaya au passage la silhouette qui remua légèrement, engourdie, manifestant quelques mouvements au ralenti alors que l’assassin, ne se trouvait plus qu’à quelques mètres de Nicole.
— Qui êtes-vous, que me voulez-vous ?
Il n’y eut aucune réponse, sa voix résonnait dans ce conduit et se perdait dans les entrailles de la terre.
— Que vous ai-je fait ? Répondez, bon sang !
La seule réponse qu’elle obtint, ce fut la lampe dirigée sur son visage. Le tueur se réfugiait derrière ce faisceau éblouissant. Elle pensa l’agonir d’injures, le traiter de lâche, de fou, mais elle se ravisa. Elle n’était pas en position de force. Cela n’aurait servi à rien de l’insulter, sinon que de l’énerver. Elle se tut et accepta sa terrifiante situation.
Elle vit la lumière de la lampe se diriger différemment, le criminel s’efforçant de demeurer dans l’ombre. Sans un mot, après avoir contemplé sa proie, le prédateur, repartit, éclairant un court instant l’autre forme emprisonnée et assujettie au même sort.
Le silence retomba, toute lueur avait disparu. Nicole patienta encore quelques instants, afin de s’assurer du départ de son geôlier. Elle tendit de nouveau l’oreille mais aucun son ne lui parvint.
Elle profita de cet instant, pour héler doucement sa compagne de désespoir.
— Psstt ! Si vous m’entendez, répondez je vous en prie.
Rien, aucun bruit. Elle fit une nouvelle tentative.
— Vous m’entendez, je suis prisonnière comme vous.
Un râle lui répondit, puis une voix presque inaudible lui demanda qui elle était.
— Je suis Nicole Berthier de Minerve !
— Non, pas toi aussi !